Aujourd’hui est le pire jour de ma vie. J’ai que 12 ans, mais je sais que ça pourrait pas être plus pire que ça par la suite. Aujourd’hui, c’est le jour où maman m’abandonne et que les services sociaux vont venir me chercher pour m’emmener à l’autre personne qui est sensé représenter un parent à mes yeux, mon père. Je suis jeune et il y a des trucs que je devrais pas penser, mais est-ce que c’est mal de me dire que j’ai aucune envie d’aller vivre avec lui et de vivre la fausse nouvelle vie qu’il voudra m’offrir ? Il a une femme, d’autres enfants. J’ai pas envie d’être reliée à eux, c’est pas ma famille, je les connais pas et j’ai pas envie de devoir me plier à leurs exigences et goûts. J’aurais bien pleuré, mais je suis plus une gamine depuis tellement longtemps que je garde ça pour les vrais moments de blues. Je suis forte, maman m’a toujours appris à garder la tête haute. Elle et moi on s’en sortait bien avant que cette satanée maladie vienne l’attaquer. J’en souffre tous les jours un peu plus, mais y’a personne pour comprendre, personne avec qui en parler. Mon père et elle ne se voyaient presque pas, ce qui représentait la même chose pour moi. Il peut pas comprendre ce que c’est de perdre la personne la plus chère à ses yeux. Sa nouvelle femme a remplacé maman il y a de nombreuses années et honnêtement, je lui en voudrais sûrement éternellement pour ça. Pour le fait qu’il ne se soit pas battu plus que ça et qu’il ait pas daigné lever le petit doigt quand il a su qu’elle était malade. Ça me rend dingue, n’empêche, mais comme je l’ai dit, je suis jeune et je dois rester passive. C’est pas comme si un homme se dirigeant vers la quarantaine aurait envie d’écouter une préadolescente que les gens vont percevoir comme : entrain de péter un câble à cause de toute l’émotion que la mort de sa mère lui fait. Je suis grande et j’estime être capable de m’occuper de moi toute seule, comme je l’ai presque toujours fait. Maman était une personne formidable, elle m’a tout enseigné à sa manière et si personne ne prend la peine de se souvenir d’elle, moi je le ferais. « Nikki ma chérie, c’est le temps. Il faut dire au revoir à tes amis et faire tes bagages. » Me dit mon père. Ma chérie, sérieusement ? Qu’est-ce qu’il en a à foutre que j’dise au revoir à mon ancienne vie pour le suivre ? Rien du tout, parce que comme ça il pourra m’accrocher à son mur de ‘fiertés’ et de trésors amassés en chemin. Je le hais ! Bref, je bronche pas, je ramasse mes affaires, il m’emmène à l’école histoire que je puisse dire au revoir à tout le monde. J’avais pas tellement d’amis non plus, une dizaine peut-être. Ils vont sûrement me manquer, mais ça finira par passer, parce que je vais vieillir et les oublier au fur et à mesure que le temps passe. « Tu vas voir, Santa Clarita c’est bien. Tu te feras des nouveaux amis, et tu t’amuseras. » Ça, c’est toi qui le dis. Je reste silencieuse pendant tout le chemin. Je regarde le paysage et je tente peu à peu de me faire à l’idée que je reviendrais peut-être jamais ici, ou peut-être dans 10 ans, mais en attendant, je dis au revoir à mon ancienne vie et salue Santa Clarita avec un faux sourire et un doigt d’honneur.

Quand je pense que j’ai passé toutes ces années sans réellement me soucier de ce qui se passait autour. J’ai complètement tourné la page maintenant, sur mon ancienne vie et tous les avantages que ça aurait pu me rapporter de m’enfuir quand j’étais un peu plus jeune. Maintenant, tout ce que je vois c’est la maladie de mon père qui le mange et le fait que je puisse rien y faire. J’ai pas envie de me mêler aux affaires de ma chère et tendre belle-mère. J’ai plutôt envie qu’elle admette qu’elle s’est mariée et a eu des enfants avec mon père pour combler un vide que ma mère lui a laissé quand ils se sont séparés, qu’elle le sait, et qu’elle ressent pas tellement de l’amour pour lui, plus de l’affection et l’amour de la richesse que celui-ci avait à lui apporter. Vu qu’il s’est fait prendre au jeu, ma belle-mère a une part dans son testament, c’est un truc dont j’les ai entendu parler l’autre jour à l’hosto. Papa ne va pas s’en sortir, c’est ça que les médecins ont dit. Ils pensent que personne est au courant, mais vraiment je passais par là et j’me suis arrêtée. Ma belle-mère a fondu en larmes et moi, pour me cacher des autres, j’me suis enfermée dans une salle réservée aux employés et j’ai fixé le plafond pendant des heures, allongée. Ils m’ont cherché et quand ils m’ont vu, j’ai dit que j’étais partie faire un tour et que j’avais besoin de réfléchir. Évidemment, dans cette petite salle j’ai pleuré. J’ai pleuré ma mère, j’ai pleuré mon père – ce que je croyais pas qui arriverait, honnêtement – et j’ai pleuré le fait que j’allais vraiment me retrouver sans aucun parent sur lequel me relayer lorsque j’aurais besoin de conseil. Nina est pas la meilleure des mères, elle est pas foutue de conseiller ses propres enfants correctement parce que chaque fois qu’elle le fait, ils reviennent en râlant que ça a foiré et qu’elle sert à rien. C’est vrai quoi, si elle sait rien faire, elle pourrait au moins me faire le service de se casser. « Nikki, viens par là. » Que mon père me dit, couché sur son lit d’hôpital. Il vient de se réveiller, ça fait des heures qu’il dort et il semble faible. Il a plus un seul cheveu sur sa tête et il a tellement maigri qu’il en devient presque méconnaissable. Les larmes me remontent aux yeux, j’ai pas l’habitude d’être aussi faible mais c’est plus fort que moi et je peux pas m’empêcher de me sentir mal pour ce que je pensais de lui des années auparavant. Quand je le haïssais et le blâmais pour la mort de maman alors qu’il n’y avait absolument rien à voir. « Papa… Ne m’abandonne pas, pas avec eux, je t’en supplie. » Que je dis, en soupirant. Personne d’autre est dans la pièce… Papa a toujours su que je détestais Nina et ses stupides enfants. C’est pas ma famille, ce sont que des pantins que j’utilisais au fur et à mesure pour avoir ce que j’voulais, et ça fonctionnait. Ouais, souvent je gaffais et je mettais ça sur le dos de Jayden, ça fonctionnait bien, je passais toujours pour la sage nowhere qui restait dans son coin et je me faisais pas réprimander. Il pouvait pas se défendre parce que j’étais beaucoup plus rusée et que j’organisais mes coups… m’enfin, retour à mon père et moi, dans cette chambre cynique, qui me donne la chair de poule et qui me rappelle trop de mauvais souvenirs. « Je suis désolé ma chérie, j’espère quand même que tu arriveras à te faire de vrais amis et trouver des gens que tu aimes réellement. Je t’ai laissé quelque chose à toi aussi… Après tout, t’es ma première et ma favorite, j’allais pas t’oublier. » Qu’il dit, en toussant vers la fin. Il me sourit et passe sa main sur mon visage, alors que les larmes coulent comme un ruisseau. « Je t’aime. » Que j’entends… Ce sont les derniers mots que mon père m’a adressé avant que la ligne qui indiquait son pouls s’aplatisse complètement et que je me fasse tasser par les docteurs en panique qui sont entrés dans la chambre pour tenter de le réanimer. Cameron Marshall est mort sous mes yeux, sans que j’aie jamais eu l’occasion de lui dire tout ce que je ressentais vraiment. Deuxième pire jour de ma vie… Le seul point positif, c’est que bientôt j’aurais toutes mes affaires et que je vais pouvoir me casser en campus parce que j’ai été acceptée à l’université prestigieuse de Los Angeles, en Californie. J’ai hâte de recommencer à zéro, parce que je sais que j’vais devenir folle si je m’éloigne pas des faux Marshall.

Qui l’eut cru ? Nicole « Nikki » Marshall, une styliste débutante mais commençant déjà à se faire connaître… Putain, dans la gueule de Nina qui était sûre que je pourrais rien faire et que j’arriverais à rien parce que selon elle j’étais une grosse paresseuse qui faisait rien du tout de son temps. Le fait que je dessinais mes vêtements et que je les faisais par la suite représentait rien du tout à ses yeux, tant que je rapportais pas, elle daignait pas me respecter ou m’adresser la parole autrement que pour me dire qu’elle se sentait seule et qu’elle aurait voulu que mon père soit là. Qu’indirectement j’étais inutile parce que je lui donnais pas l’argent que je faisais en travaillant. Connasse, j’espère qu’elle va crever bientôt, j’en ai marre de sa tronche, si elle chopait un truc ce serait trop bien, si elle devenait muette aussi… Bref, là n’est pas le point. Ma vie va bien, sans compter le fait que je sois entrain de m’éloigner de mon copain de plus en plus, ma vie va bien. Je fais ce que j’ai étudié à l’université sans problèmes, je me suis trouvée un job en un rien de temps et j’habite avec mon copain de longue date. Hesher me rend tellement heureuse, s’il savait c’que je ressentais pour lui, je crois qu’il comprendrait mieux que ce qu’il fait présentement n’aide pas du tout notre situation et que ça me fait grave chier de le voir s’éloigner de moi comme ça. Je veux dire… On est ensemble depuis quelques années maintenant, et je comprends pas pourquoi c’est entrain de nous arriver, mais c’est le cas. Il est footballeur pro’ et je sais que ça lui prend du temps, mais je veux qu’il réalise que je suis encore là et que je suis sa maison, son confort, son tout. Que je l’aime à en crever et que j’serais prête à tout pour qu’il soit moins distant et me dise ce qui se passe réellement de son côté, qu’on puisse travailler dessus et fixer le problème une bonne fois pour toutes. Je comprends pas comment on en est arrivés là, on était un des couples les plus enviés avant et maintenant c’est à peine si je peux dire qu’Hesher va bien aux gens parce que moi-même je le sais pas. Beaucoup trop de complications, j’ai peur de tout perdre, j’ai peur que tout foire et que je me retrouve seule en fin de compte. Je sais que je peux compter sur Austin, si jamais, mais c’est pas la même chose. Parfois, je me surprends à penser à comment aurait pu être ma vie si j’avais choisi différemment. Si j’avais craqué pour Austin plutôt qu’Hesher et que je saurais pas présentement en pleine crise existentielle alors que j’ai 22 ans… Mais, où s’en va donc mon monde ? Si personne peut répondre à la question et que j’en ai aucune espèce d’idée, sans indices en plus, je suis foutue…

• Age: 19 ans
• Commentaire: beau fo, yeah
• Présence: aussi souvent que possible !
• Code: Ok by Céline.