C'est dingue à quel point j'ai pas envie d'être là. Ça a jamais été mon truc, les boutiques. Si j'y vais, c'est parce que je suis forcée de le faire. Lenny peut être foutrement emmerdante là-dessus, et quand elle a envie de faire quelque chose, vaut mieux pas lui dire non, sinon elle est capable de faire chier pendant mille ans. Donc, j'y allais jamais toute seule ou avec une autre personne qu'elle, parce que sans déconner, être entourée de gens, faire la queue pendant des heures pour des fringues – sachant que c'est surtout pour Lenny – qu'elle ne mettra probablement que deux fois dans sa vie, ça me fait chier, je peux pas dire le contraire. Mais je peux rien lui refuser. Sauf les fois où elle me fait essayer le même t-shirt dix fois pour pouvoir choisir lequel me va le mieux et toutes les conneries dont j'ai éperdument rien à battre. Y a des rare fois où je me concentre vraiment, parce que je dois trouver des vrais vêtements potables et non pas le jean et le t-shirt que je porte généralement, complètement typique de mon je-m'en-foutisme. « Oh tiens ! Regardes ! Il est beau ce haut, je suis sûre qu'il t'irait bien. » Ouais, si tu le dis, je m'en fous. J'hoche la tête, parce que si je lui dis non ou que je lui donne aucune réponse, elle va s'énerver. Pas envie qu'elle se foute à me crier dessus, parce que ça lui arrive parfois et c'est même pas une putain de blague. « Attends, attends, Lenny, je porte pas ça. Jamais de la vie. Je veux pas ressembler à un clown tout droit sorti du cirque. » que je lui dis en regardant la couleur complètement laide du machin qu'elle vient de me foutre dans les bras. Je veux bien croire que je me fous des fringues que je porte, mais y a quand même des limites dans le foutage de gueule qu'elle me fait ouvertement, probablement pour que je réagisse plus à ce qu'elle dit ou fait. « Bah tu vois, blondasse, quand tu veux, tu réfléchis. » Je la regarde, fronce les sourcils et lui lance un regard plus ou moins noir, elle rigole. Trisomique. Je t'emmerde. On quitte le magasin et je trouve ça pas plus mal, puis elle m'emmène dans un magasin, où vu les fringues de la fille d'à côté, de bourges. Oh pitié, elle a vraiment décidé de m'achever. Je soupire ouvertement et m'arrête sur un siège à l'entrée du magasin. Si elle veut jouer à plus chiante, je veux bien, mais je vais gagner. Si je fais ma connasse mal-éduquée, ça va la rendre folle et ça va me faire rire. Je mets mes pieds en travers du chemin aussi, parce que voir quelqu'un s'entraver m'amuserait pas mal aussi. « BON OK ! On change de magasin. » qu'elle me lance, complètement basée par mon attitude. Vingt-six ans, j'en suis pas plus évoluée pour autant, surtout quand je suis avec elle en fait, je dois l'avouer. Suffit de voir comment mon comportement et mes réactions changent du tout au tout avec Cameron. Là, je deviens une connasse et je lui parle mal, comme je parlais à pratiquement tout le monde à une certaine époque. Cameron sait rien sur mon père et mes antécédents familiaux et je compte pas lui dire. Je veux pas qu'il en sache quoi que ce soit. Jamais. « T'as faim ? » me demande Lenny en tournant la tête vers moi, un sourcil levé. On se regarde pendant quelques secondes, se questionnant du regard à propos de si oui ou non, on va manger maintenant. « Ouais. »

On est posées à une table et je mange mes frites comme une morfale qui n'a pas mangé depuis vingt ans. En fait, c'est toujours comme ça que je mange quand on se fait des trucs comme McDo où la bouffe est grasse – mais je m'en fous de ça – et que de toute façon, on mange mieux que ceux à l'intérieur qui sont en survéts. J'ai pratiquement tout fini, moi, je suis moins lente que Lenny qui met toujours perpette pour bouffer trois frites. Il me reste que ça, je les garde toujours pour la fin, parce que d'après moi, c'est le meilleur. « Oh... je m'en vais. Je dois aller bosser, je vous laisse. » Hein ? Pourquoi elle me dit ça avec ce grand sourire et le regard qu'elle me faisait quand un beau mec était à moins de dix mètres ? Je fronce les sourcils vers elle et la regarde se casser en vitesse, un sourire sur les lèvres. Et depuis quand elle me vouvoie d'abord ? C'est parce que ça fait plus genre, je suis célèbre ? Je soupire en secouant la tête, sentant des mains qui se posent sur mes épaules, je me retourne prête à foutre une baffe, par réflexe, mais je tombe nez à nez avec Windsor. Et on doit faire semblant d'être un couple parfait qui s'aime comme au premier jour. Fuck this shit. Je lui fais un sourire, mais il sait pertinemment que c'est un sourire complètement faux qui dans le fond veut dire en grosses lettres rouge : va te faire foutre, enfoiré. Il m'embrasse et j'ai subitement envie de lui vomir tout mon menu sur la gueule, mais je me retiens, je suis une personne civilisée... ou pas. « Qu'est-ce que tu fais là, mon amour ? » Sarcasme quand tu nous tiens et quand tu te fais sentir dans la voix, mais que tu passes inaperçu, te voilà. J'attends pas vraiment une réponse de sa part, alors je m'en contente de me lever et de jeter le reste de mes trucs, ayant pris mon sac au vol. Il se lève et me rejoint. En fait, je me souviens lui avoir vaguement mentionné ce matin que de toute façon, je rentrerais pas aujourd'hui, parce que j'allais faire les boutiques avec Lenny. Parfois, ça me nique la santé de voir comment ma meilleure amie arrive autant à le supporter, alors que je fais semblant quand je suis avec elle de pouvoir encadrer sa gueule de con. Si elle savait à quel point j'ai envie de le frapper à chaque fois que je le vois, mon Dieu, elle le détesterait. En plus de ça, je cache des trucs à ma meilleure amie et ça me fait chier, mais je peux pas réellement faire autrement, parce que j'ai pas le choix. On marche et on entre dans une boutique, et vu que j'ai envie de le faire chier, je compte essayer tout et n'importe quoi. S'il veut qu'on fasse semblant de filer le parfait amour – comme si quelqu'un pouvait vraiment apprécier cet enfoiré, comme si c'était humainement possible de pouvoir encadrer sa gueule de trou du cul –, on va le faire. J'espère pour lui qu'il supporte bien les magasins de vêtements et le fait que je vais essayer tous les trucs potables que je vais voir, même ceux que j'aime pas, juste pour prendre plus de temps et l'emmerder un maximum...

« Gros paresseux, magne ton cul, j'te signale que dans quelques minutes j'suis sensé venir te chercher pour qu'on aille acheter le truc dont t'avais besoin l'autre jour. Le truc que tu m'as dit qui irriterait Kelsey au point où elle te sauterait dessus... » Il comprend pas le sens du 'sauter dessus', je veux plutôt dire sauter à la gorge parce qu'elle va vouloir m'étrangler, mais je trouve ça trop jouissif, alors j'en profite et j'me dis qu'elle peut pas faire grand-chose, pas après le coup de la boîte de nuit t'façon. J'dois ravoir ma vengeance. Elle qui se laisse draguer par un gros connard de merde que je connais pas, je le prends pas. Elle a bien compris le message par la suite, parce qu'on s'est pas tellement reparlés depuis et ça me va un peu comme ça. Elle arrête de gueuler un peu, comprenant que j'peux aussi la faire chier. Je l'insupporte toujours autant, sinon plus parce que parfois je m'amuse à l'ignorer quand elle me parle, faire comme si j'avais pas compris et j'lui dis de répéter alors que j'ai clairement entendu et compris. Bref, ça me prend pas beaucoup pour lui faire péter des câbles. J'devrais sûrement diminuer, elle va finir par perdre la voix, mais parfois j'me dis ce que ce serait mieux comme ça. Qu'elle devienne muette et qu'elle doive apprendre à parler en signes, sauf qu'elle arrêterait de gémir fort et de crier mon nom en enfonçant ses ongles dans ma peau quand je la culbute, merde. C'est ce genre de dilemmes qui me font chier, faire ou ne pas faire chier The Wife - comme je m'amuse à l'appeler - parce que quand c'est pas le cas, c'est moi qui me fais chier et qui trouve rien de mieux à faire après, sauf emmerder mes potes. Quand je pense au fait qu'elle sache toujours pas pourquoi exactement je suis ici, ça me fait pas marrer, parce que c'est con, tragique et pas franchement intéressant, ni de ses affaires. Si elle demande, j'ai qu'à mentir, même si d'habitude je le fais pas. C'est vrai, je lui mens pas, j'dois sûrement être le mec le plus honnête qu'elle connaisse, mais pour ça c'est clairement personnel et c'est pas comme si on était hyper proches et que je pouvais tout lui dire. On a pas basé notre relation sur l'amitié et l'affection mutuelle qu'on aurait normalement l'un envers l'autre - surtout pour faire ce genre d'accord - parce que j'ai fait en sorte que ce soit différent. Qu'elle m'apprécie pas nécessairement.

J'aime pas que les gens me prennent pour acquis, pensent que je suis le mec gentil de service et croient que je suis stupide à cause de ça. Ouais ok, ça fait pas longtemps que je suis ici et y'a certains trucs que je comprends pas quant au fonctionnement des Américains, mais qu'on me dise pas de conneries sur quoi que ce soit, j'suis assez intelligent pour savoir que c'est faux. Bref, je sais plus trop comment j'me retrouve au centre commercial. Faut croire que j'ai perdu la notion de la réalité en pensant à plein de trucs et en me préparant en même temps. J'me promène dans plusieurs magasins qui pourraient avoir ce que je veux, mais je trouve rien du tout, puis j'repère au loin - j'ai une bonne vision - Lenny et une tête blonde que j'imagine être Kelsey. Mon pote et moi on se met à rire, sachant que j'vais pas rater l'occasion d'aller la faire chier. « J'te rappelle plus tard, j'vais la voir. » J'avance vers elle, puis j'vois Lenny rougir et se casser. Je lui fais tant d'effet que ça ou c'est juste que ça la gêne quand Kelsey et moi on se retrouve au même endroit qu'elle ? Bref, la blondasse se lève et dès qu'elle se retourne, elle me repère. Je vois l'expression de dégoût qu'elle affiche juste avant que je pose mes lèvres sur les siennes et que je fasse exprès de mettre mes mains sur ses fesses. Elle a envie de me gifler, sinon, de me trucider - ce qui reviendrait à peu près au même, sauf qu'un inclue la mort. « J'étais venu acheter les trucs que tu voulais que j'achète, mais vu que t'es là tu peux le faire toi-même, ma chérie. » Je lui prends la main pour rendre le tout top réaliste. Avec nos bagues et nos faux sourires, on aurait presque l'air du couple parfait. Je ris intérieurement à l'idée qu'elle me tordrait la main et qu'elle me foutrait un coup de pied là où ça fait vraiment mal si on était en privé et que j'avais osé faire ça. Je repère un magasin de vêtements, j'en ai besoin de certains nouveaux, et ça va être bon pour l'autre aussi parce que y'a les deux sections. Je la tire vers le magasin et lui lâche la main, commençant à chercher des vêtements que je sais qu'elle aime pas pour lui faire essayer, rien que pour faire chier. Y'a la conseillère qui se pointe et qui m'aide à choisir des pièces, puis on se dirige vers les cabines d'essayage. « Allez magne-toi de les enfiler que j'me marre ! »

Putain, je peux pas avoir juste une journée sans voir sa sale gueule de trou du cul ? Genre, normalement, Lenny se serait pas cassée et j'aurais pu finir la journée avec elle et non pas avec lui. Et même si Lenny a parfois des tendances à me filer des envies de meurtres, ça passe aussi vite que c'est venu, parce qu'elle trouve toujours un truc à dire qui arrange tout. Connard, lui, on dirait qu'il en a rien à battre de tout ce que je peux penser de lui et au lieu d'arranger la chose quand je suis vachement énervée après lui, il rigole. Si c'est pas de la provocation, faut vraiment m'expliquer ce que c'est, parce que ça a le don de me rendre complètement barge, mais pas du tout dans le sens où ça pourrait être susceptible de m'exciter, au contraire. Bref, j'aurais dû être avec ma meilleure amie et non pas avec mon mari que j'ai envie de buter à chaque fois que je pose mon regard sur lui. Il m'énerve, limite si j'ai pas envie de lui gerber dessus pour qu'il dégage. Le problème c'est que s'il en venait à se casser, je serais complètement foutue. J'ai l'impression atroce d'être dépendante de lui, mais pas dans le sens où je pourrais pas vivre sans lui parce que je l'aime et les conneries de ce genre, mais dans un tout autre sens où je suis entretenue et quand s'il était pas là, bah je serais dans une grosse merde dégueulasse. Et il en joue, je le sais, parce qu'il suffit de voir ce qu'il m'a dit à l'oreille dans la boite de nuit, la dernière fois. Il sait parfaitement que sans lui, je suis mal. Mon dieu ce que je peux détester cette situation. Mais au moins, je peux l'envoyer chier tout le temps et l'insulter, je sais que ça le fera plus rire qu'autre chose au lieu de le foutre en colère. Par contre, je sais qu'il aime pas trop quand je lui mets des coups, même s'il s'en fout un peu, parce que je dois pas taper si fort que ça et je suis minuscule contrairement à lui. Je sais que je peux lui foutre une baffe s'il pousse le bouchon trop loin et qu'il y répondra pas – tout du moins en me foutant une baffe à son tour avec dix fois plus de puissance – et dans le fond, c'est plutôt rassurant. Même s'il a une façon bien particulière de rendre les coups et à laquelle je préfère éviter de penser, parce que ça aussi ça m'énerve, parce qu'il finit toujours pour avoir sa putain de victoire sur moi et qu'il en ait beaucoup trop fier. J'en viens presque à me demander comment ses parents ont fait pour le supporter, genre, moi, j'aurais pas pu. Ou justement, peut-être qu'ils l'ont fait tomber et qu'il est devenu super con. En fait, je vois pas vraiment comment il pu finir par devenir un si grand enfoiré que j'ai envie de frapper plus fort que j'ai jamais frappé personne.

J'aurais jamais dû me lever et me retourner pour voir qui c'était. Non, vraiment, j'aurais dû m'abstenir, parce que pour tomber sur sa sale tronche, voilà quoi. Il m'embrasse et descend ses mains sur mes fesses, alors je lui mords la lèvre inférieure pas très fort pour pas que ça fasse trop suspect, mais assez pour qu'il ait quand même un tout petit peu mal. « J'étais venu acheter les trucs que tu voulais que j'achète, mais vu que t'es là tu peux le faire toi-même, ma chérie. » Et je voulais qu'il achète quoi, moi, déjà ? Peut-être qu'il fait genre. Ouais, c'est seulement pour m'emmerder qu'il est là, j'en suis sûre et certaine, parce qu'à voir sa tronche et sa façon de me prendre la main, il le fait exprès. Putain, sa mère a vraiment dû le finir à la pisse pour qu'il soit aussi insupportable. Je souris, bien évidemment, mais je sais qu'il sait que c'est un faux sourire et que ça serait que de moi, il serait déjà mort sur le sol ou au moins entrain de me supplier de pas le tuer ou de ne pas le castrer. À voir selon mes envies. Fuck, pas une boutique de vêtements, pas encore. Il me lâche la main une fois à l'intérieur et se casse dans les rayons, personnellement, je regarde autour de moi et vais dans d'autres rayons, parce que j'ai pas envie de voir toutes les conneries qu'il va pouvoir prendre. Je fronce les sourcils quand je vois une conseillère qui va l'aider, connasse. Sérieusement, de quoi elle se mêle celle-là ? Elle peut pas s'occuper de son cul et le laisser tranquille ? Parce que là, vu le look de la fille, je vais avoir des fringues à chier. Ça me semble évident et ça me donne des envies de meurtre sur la personne de Connard et de l'autre blondasse, elle est moche en plus. Je soupire et prends une grande inspiration quand il vient vers moi avec des vêtements dans ses bras. Non, putain, non. Il m'emmène vers les cabines d'essayage, non, mais t'as pas compris, je veux pas essayer ces choses. Je le regarde avec un regard qui dit pas du tout la même chose que mon sourire. « Allez magne-toi de les enfiler que j'me marre ! » Va te faire foutre ! Je me retiens de lui faire un doigt d'honneur. Je ferme la porte de la cabine et regarde les trucs, non, il est pas sérieux. Une robe, c'est cela oui. Je hais les robes, mais bon, tant pis. Il a choisi avec l'autre conne et je dois évidemment tout essayer, sinon, ça serait pas marrant, hein. J'enlève mon jean, mon t-shirt et j'enfile la robe. Je préfère même pas regarder dans le miroir, parce que je déteste vraiment les robes, mais vraiment. J'ouvre la porte et je lui fais un fake smile. « Vas-y, fous-toi de ma gueule, j'attends. » De toute façon, s'il se fout trop de moi, va pas falloir qu'il s'étonne s'il se mange un sceau d'eau dans la gueule demain matin.